28 août 2011

Un peu de poésie, bordel !

Extrait du livre "Le jardin du bossu" de Franz Bartelt

"Après son ultimatum, Karine ne devait pas tellement s'étonner de mon absence. Elle se disait que j'étais à la poursuite du pognon. Il y a des femmes que ça tranquilise de savoir que leur homme court derrière le liquide, qu'il commet quelques effractions par amour, qu'il cambriole pour satisfaire aux exigences de la femme de leur vie. C'est assez beau, au fond. C'est une sorte de romantisme. Une sorte. Le romantisme, le vrai, c'est une affaire de mecs à pognon. Faut les habits avec les dentelles. Faut le vocabulaire. Faut le sens des rimes. Faut savoir tousser, cracher le sang, se retenir de péter ou connaître les manières qui permettent de péter sans bruit et en dispersant l'odeur par des des menuets improvisés. En plus, il faut savoir boire sans dire de conneries à partir le troisième verre. Ca, c'est pas facile.
N'empêche que je me sens une sorte de romantique. Entre la pelle et la pioche, assis sur les marches humides, devant ce champ de cadavres repiqués pour l'éternité, je songeais à Alfred de Musset. Pour décrire le pétrin ou je me trouvais, c'est une plume comme la sienne qu'il aurait fallu. (......)

Disons le, avouons, j'ai déja commis quelques poésies. Dans le style de Musset après douze absinthes. Vraiment des beurrés au petit poil, qui se remuent la rime comme les chiens remuent la queue. Quand on aime une femme, il y a des choses qu'on ne saurait pas dire autrement qu'avec la poésie. La femme est sensible à la poésie. Il y a en elle des zones érogènes qui ne réagissent qu'au poème. Parce que la femme, même quand elle n'en a plus a rien faire,  elle en a encore à faire de la poésie.
Elle pèse son quintal, elle a les cheveux comme des éponges en arachide, les dents comme une partition de musique dodécaphonique, avec les blanches et les noires mises n'importe comment, elle sait que c'est fichu, elle est amère, elle ne pense qu'à gueuler, mais si on lui fredonne une romance qui rime bien, la voila pimpante comme une princesse de conte de fées, elle se prend pour l'étoile du berger, elle esquisse des pas de danse sur le paillasson, elle redevient une petite fille. Y a que la poésie pour changer la misère du monde.
Du moins, quand on a pas le pognon. Le pognon, c'est de la poésie à l'état pur, du diamant, des perles de pluie venues d'un pays ou il ne pleut pas. Mais à défaut, une chiée de dix, douze alexandrins satisfait la femme qui se morfond."

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